Le fait de se plaindre de son époque
Le fait de se plaindre de son époque
Le fait de se plaindre de son époque
L’homme est sans cesse influencé par son environnement, se succèdent chez lui les moments où il résiste bien à ces influences extérieures et les moments où il est plus faible face à elles, et notamment lorsqu’il doit faire face à des épreuves et obstacles qui se mettent en travers de la route de son existence. Mais pour supporter ces épreuves et faire preuve de résilience face aux difficultés de la vie et du travail, l’homme a besoin d’avoir de l’espoir, espoir qui le pousse à surmonter ces difficultés et accablements ; par ailleurs, il a besoin de trouver une excuse – réelle ou imaginaire – lui permettant de justifier son impuissance ou sa faiblesse lorsqu’il échoue à surmonter ces difficultés, et parmi les excuses les plus employées de manière continue par les individus dès qu’ils font face à un échec quel qu’il soit on trouve systématiquement le fait de se plaindre de son époque. Ainsi, cette excuse semble être l’une des réactions à la frustration les plus anciennes éprouvées par l’âme humaine, laquelle en l’occurrence a du mal à accepter son époque, quand bien même celle-ci est une époque faste, c’est ainsi qu’un individu ayant recours à cette excuse est systématiquement nostalgique du passé même si celui-ci fut misérable et a contrario il ne cesse de se plaindre du présent même si celui-ci est agréable.
C’est ainsi que l’âme blâme l’époque et la rend responsable de tous ses malheurs, mais en fait cette âme feint d’oublier que l’idée d’époque n’a aucun sens si on la voit de manière abstraite, c’est-à-dire séparée de l’homme et du lieu, et ces deux derniers éléments influents partagent avec l’époque ou le temps la responsabilité de tout ce qui peut lui être rattaché, et ce, bien qu’en réalité lorsque l’on réfléchit sur les termes et sémantiques employés par les gens qui critiquent le temps, on trouve que lorsqu’ils parlent d’ « époque » ou de « temps » ils n’ont aucunement en tête l’unité physique bien connue, mais ils usent de cette symbolique du temps pour se plaindre de leur situation, de leur génération ou de quelque chose de ce genre. Cependant, même cela nous place devant un questionnement logique qui est le suivant : est-ce que toutes les générations précédentes ont considéré les générations qui les précédaient comme meilleures ? Nous pensons avec certitude que cette proposition n’est pas systématiquement valable.
En fait, le fait de se plaindre de l’époque et de lui porter la responsabilité du changement du caractère des gens et des relations qui les lient n’est absolument pas une chose nouvelle ; ainsi, les poètes antéislamiques ont immortalisé ce phénomène dans leurs vers, et l’on trouve même cela dans le poème le plus ancien qui nous soit parvenu. Notons en outre que certains récits nous disent qu’il se trouvait dans les coffres des ‘Âd, c’est-à-dire le peuple de Hûd, une flèche extrêmement longue sur laquelle étaient inscrits les vers suivants : Nous vivions dans un pays que nous aimions…mais les hommes ne sont que des hommes et notre pays reste notre cher pays.
Ces paroles ont été écrites il y a très longtemps, et ce qui est original ici c’est que certains poètes de ces temps reculés ont détesté leur époque et l’ont chargée de toutes les tares tandis que dans le même temps ils composaient des vers louant les époques qui l’avaient précédée. Puis vint après eux une génération de poètes qui louèrent l’époque dans laquelle vivaient leurs prédécesseurs qui justement haïssaient cette dernière, et à chaque génération ce fut la même chose, nous avons là typiquement le syndrome du « c’était mieux avant ». A ce propos un homme de lettres dit : « Ils disent que l’époque est corrompue, mais ne doivent-ils pas plutôt dire : n’y a-t-il jamais eu une époque qui ne le fut pas ? ».
Notre but dans cet article n’est pas de faire une étude fouillée sur la présence de ce thème - la critique de l’époque - dans les poèmes ou les écrits des littérateurs et autres hommes de lettres sages, mais nous ambitionnons plutôt de montrer que ce phénomène est loin d’être nouveau et que l’homme a toujours eu recours à cette excuse face aux difficultés de son époque.
Quoi qu’il en soit, l’enracinement dans l’âme humaine de cette dialectique de la plainte de l’époque confirme le fait que l’inquiétude et le pessimisme quant à l’avenir sont des constantes chez l’homme. C’est ainsi que son âme se tourne toujours vers un passé qu’elle idéalise, de plus elle déteste même juste le fait de réfléchir sur un avenir qui ne lui apparaît pas être porteur de bonnes choses. Par ailleurs, cette manière de penser la réalité est également un signe fort de la tendance qu’a l’âme humaine à toujours essayer de trouver des excuses et des justificatifs « atténuants » sensés expliquer les effets de la pression permanente qui épuise son cerveau, lequel cerveau, sous cette pression, « saigne » à chaque fois que l’âme qui le porte doit faire face à des situations d’échec.
Si nous nous attardons un peu sur les causes objectives d’apparition de ce phénomène humain, alors nous découvrirons que parmi ces causes les plus importantes il y a : une ambition démesurée, une vanité hors du commun, des tentatives d’arriver absolument à ses fins sans s’appuyer sur les moyens nécessaires, le fait de toujours regarder la partie vide du verre à moitié plein, un pessimisme ancré dans l’esprit de nombreuses personnes, de même que parmi les causes de ce phénomène nous pouvons citer le mimétisme conscient ou inconscient des sentiments tristes qu’un individu peut trouver exprimés dans des poèmes ou dans la littérature, le lecteur de tes textes peut alors se mettre le costume d’un homme accablé et triste alors qu’il vit lui-même la plupart du temps une vie aisée et sans ombres ne justifiant aucunement ce type de sentiments. Il n’est pas possible d’affirmer que les poètes sont les seuls à ressentir et éprouver ce phénomène de la critique du temps, mais il est néanmoins certain que ces derniers possèdent une sensibilité supérieure à la moyenne qui les amène à exprimer ce sentiment avec une intensité décuplée.
En guise de conclusion nous pouvons dire que la dialectique de ce phénomène et son enracinement dans l’âme humaine amènent à dire que le phénomène du temps de manière générale fait partie de ces phénomènes qui posent problème philosophiquement, et malgré les immenses progrès scientifiques et technologiques accomplis par l’humanité durant l’époque contemporaine, celle-ci n’a toujours pas réussi à résoudre la plupart des questionnements liés au temps ; selon de nombreuses recherches académiques sur le sujet, il semblerait certain que la perception du temps est une fonction supérieure du point de vue de l’intellect, c’est pourquoi cette dernière est une particularité distinguant l’homme des autres espèces vivantes. Par ailleurs, il a été démontré que les petits êtres vivants évoluent dans un système temporel extrêmement rapide si on le compare à celui dans lequel vivent les êtres vivants de taille plus grande, c’est ainsi par exemple que deux ans d’existence du Hamster correspondent – du point de psychologique et physiologique – à soixante-dix ans de la vie d’un être humain. Par conséquent, en se basant sur les résultats et constatations scientifiques, il est possible que la monotonie du temps et la forte perception que l’homme a de celui-ci fassent partie des causes qui poussent certains individus à toujours s’en plaindre.